Quelque part dans le Berry ...
Au temps des charrettes attelées,
des moulins à vent et des greniers à foin.
Voici l'histoire d'Olga et Volga.
Pousse-paille
Pour gagner trois sequins le temps d'un été
Olga la chiffonnière donne la main aux moissons.
Nous sommes dans les collines berrichonnes
au pied de Sancerre, à Veaugues exactement.
Une église gothique, pas même cent maisons
et une petite rivière qui frétille de gardons.
Alentour les champs de blé sont mûrs
il est temps d'affûter faux et faucilles.
Les saisonniers sont là et la grange est ouverte.
C'est ici qu'Olga encorde et ficelle les bottes,
les roule en balles et les range au grenier.
À force d'empoigner ces brassées de paillasse
elle ne sent plus ses bras, la tête lui tourne
et cloques aux mains lui font mal de chien.
Il lui faudrait un grappin tout au moins une pique
ce serait en effet bigrement plus pratique.
Une branche tordue trouvée devant l'étable
lui servira, et c'est bien aise, de crochet à meule.
Pour cela, elle en usera comme d'un harpon
pour accrocher les ballots et les soulever.
De cette façon l'effort est moins pénible,
la tâche à accomplir moins besogneuse.
Le soleil est au zénith, les faneurs fredonnent,
blagues et bavardages vont bon train.
Même l'air est plein de bonne humeur.
N'épargnant pas sa sueur, Olga travaille dur.
L'arrivée des gerbières qui débordent de foin
mènent la danse au rythme d'une à l'heure.
Chacun son chapeau, béret ou galurin
pour cacher le soleil et garder tête froide.
Midi carillonne au beffroi. C'est la pause.
On casse la croûte à l'ombre des tilleuls
et Olga ne refuse pas le petit verre de blanc.
Quignon de pain et crottin de Chavignol
ouvrent bon appétit pour peu qu'il soient secs.
C'est là que Volga entre en scène,
sa grande amie, sa copine de toujours,
deux sœurs de cœur, deux belles âmes.
Venue les rejoindre avec la bouteille de poire
elle prêtera main forte jusqu'au bout du soir.
Brune, l'œil pétillant, une voix de garçon
elle a toujours une histoire à raconter
une anecdote vécue parfaitement improbable.
C'est cela qui fait son charme, son côté farfelu.
Avenante et joviale elle parle sans ambages
et son drôle d'accent fait rire tout le monde.
Mais seule Olga connait le secret de Volga ...
Installée dans un manoir près de Jalognes
Volga s'adonne à l'astrologie et à la voyance.
Mais aussi pratique la magie hermétique,
celle d'Hermès, d'Hermogène ou de Papus.
Comme sa mère et grand-mère, elle a le don.
Par dessus tout elle aime à observer le ciel
les étoiles à l'infini et le cycle de la lune.
Sa famille est arrivée voilà trois générations
des confins de l'orient, des lointaines Carpates.
En Transylvanie, la magie est si commune
que même les sorcières laissent leurs balais
bien en vue à l'entrée des tavernes ...
Revenons à notre pique-nique impromptu.
Voyant la branche sur les genoux d'Olga
Volga la lui prit vivement en lui disant
qu'elle la lui rendra au plus tard jeudi!
Olga ne dit mot et ne broncha point.
Reste à trouver une autre branche ...
Puis le jour s'achève chaud et orageux
laissant présager une nuit d'ondées.
Au lendemain Volga la lui rendit donc.
Sculptée de sa main, la figure d'Olga
s'incruste dans le bois au dos de l'écorce.
Volga lui apprendra les mots magiques
ceux que les anciens lui ont enseignés ...
Et c'est désormais sous la houlette d'Olga
que les bottes vont se ranger toutes seules
dans le hangar à foin.
Ainsi naquit la légende d'Olga
bien nommée "pousse-paille".
Âme : Racines d'ivraie
Arcane et fer magnétique.